Je n’ai pas (encore) vu Sènsa. Mais il me semble que personne ne la verra jamais, il me semble que personne ne la verra jamais vraiment. Paul Maheke et Melika Ngombe Kolongo – DJ Nkisi – n’en sont pas à leur première collaboration, celle-ci datant de l’exposition I Lost Track of the Swarm (J’ai perdu la trace de la nuée) à la South London Gallery (Londres) en 2016. Au fil des années, leurs explorations réciproques de l’acoustique et du mouvement comme forces polarisantes, occupant les limites de l’insondable dans l’écoute et la vision, leur ont permis d’affûter leurs armes sombres. La performance Sensá, qui aura été présentée dans des versions différentes à Block Universe (Londres), au théâtre Volksbühne (Berlin) ainsi qu’à Triangle France (à la Friche La Belle de Mai à Marseille, en août 2019), prend sa forme finale à l’Abrons Art Center à New York, dans le cadre du festival de performances Performa 19.
Sènsa signifie “venir à la lumière”, “apparaître” ou “faire sens” dans la famille des langues bantoues.
La temporalité du projet même, et sa nature protéiforme (entre théâtre et espace d’exposition), donne déjà une valeur particulière à l’œuvre. C’est toutefois là une constante dans la pratique de performance de Paul Maheke, ainsi que dans la recherche acoustique de Nkisi. Les deux artistes s’attachant à l’occupation d’espaces aux typologies multiples, ce qui leur donne la possibilité d’emmagasiner des énergies différentes, de créer des tensions entre son, mouvement et lumières moins attendues. Cette collaboration se complète d’ailleurs, pour Sènsa, avec l’artiste Ariel Efraim Ashbel qui a travaillé les lumières.